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Garder figure humaine

 



Il s'agit d'un ensemble de lavis représentant des figures, des effigies. Elle sont accompagnées de paysages que je nomme "lieux de passage".

L'ensemble de ces travaux évoque bien sûr le deuil. Cette présence du deuil qui m'a accompagné tout au long de ma vie. Cette présence, bien avant qu'elle soit concrétisée par le premier décès d'un proche en la personne de mon père disparu prématurément et brutalement à l'âge de 53 ans alors que je n'avais que 13 ans, m'avait déjà guidé sur le chemin de ma jeune existence. Elle n'était pas à mes côtés la marque d'une expression tragique de l'existence, tout au moins au sens où l'on peut la concevoir d'ordinaire. Cette idée de deuil prégnante dans mes pensées était plutôt là comme une conseillère, un garde fou, assez proche finalement de la croyance en ce Dieu chrétien dont on m’avait dit que son fils était mort pour nous sur la croix et qui accompagnait ainsi toute notre vie de cette idée d’acceptation du sacrifice suprême. L’idée de cette issue commune nous invite à faire l’effort, pour tenter d'être digne, toute notre existence durant, de cette destinée commune qui nous incombe et doit nous rendre naturellement plus fraternel si nous en prenons conscience. Ainsi, mortel, on ne peut ni se contenter de la banalité du quotidien, ni l’alourdir de la moindre prétention qui consisterait à penser être capable de vaincre ou dépasser cette échéance. D’où l’idée de "garder figure humaine" c’est à dire dresser des "effigies", comme les monuments, qui font front à cette réalité, la rappelle, se présentent comme les vigiles des seules valeurs qui peuvent compter dans ces "lieux de passage", avec pour devise : transmettre ou disparaitre.

J'ai accompagné cette série d'un texte au même titre, "garder figure humaine". Quoique le contexte qui m’a inspiré ce texte soit celui de la guerre actuelle que mène nos soldats et l’un des premiers guets-apens dans lequel plusieurs d’entre eux ont péri. La guerre, ici, est un prétexte pour développer l'idée plus générale du deuil. Deuil qui, j’espère que vous l’aurez compris, n’est pour moi ni une idée macabre, ni un point de vue nostalgique, mais bien au contraire le moyen le plus rationnel qui soit pour rester, la vie durant, le plus possible en éveil vis à vis de l’essentiel qui incombe à nos destinées: "garder figure humaine », transmettre ou disparaître.

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